E.D.M.

E.D.M.
(1958-, Maaseik, Belgium)
Vit et travaille en Belgique.

... Qu’est-ce qui vous fait signe dans les photographies à partir desquelles vous peignez ?
Sincèrement je ne sais pas. La photographie s’inscrit comme telle dans un protocole de travail. Pour le comprendre il faut qu’on en revienne à mes débuts. À la fin de mes études, j’ai eu cette chance qu’un artiste propose à une galeriste de venir voir mon travail. Le succès est venu assez vite. Le rêve pour un artiste : voir son travail exposé aux côtés de celui d’artistes reconnus. Mais les choses ont évolué après la fermeture de la galerie, j’ai été dans d’autres endroits, j’ai pris sur moi de me vendre et c’est là que tout s’est arrêté. J’ai connu une sorte de crise, un moment de remise en question très grave, totale à vrai dire. Je pensais que c’était lié au monde de l’art et à la manière dont je pouvais m’intégrer à ce milieu, mais il ne s’agit pas de cela. Cela venait de moi, de mes propres angoisses par rapport à la réception de mon travail. Je me demandais constamment comment il serait perçu, jugé, etc. Impossible de créer quoi que ce soit dans ces conditions. Il fallait absolument que je me soustraie de la contrainte d’exposer. J’ai décidé de ne plus m’en soucier et que si cela devait arriver un jour, que j’expose à nouveau - et c’est le cas à présent - cela ne viendrait pas de moi. L’idée même de faire une carrière dans l’art, je m’en suis rendu compte à ce moment-là, me rendait malade. Le système ne me convenait pas du tout. Cette décision de tout arrêter avait quelque chose de fou. On peut comparer cela à une rupture amoureuse : ma vie dans ses plus infimes détails était liée à mon activité d’artiste, impossible d’y échapper. Je me suis essayé à d’autres choses, le milieu du cinéma m’a accueilli un temps, le graphisme aussi, l’enseignement a creusé une voie salutaire. Mon travail de création s’est développé presque à l’opposé de ce que je faisais précédemment. La peinture à l’huile avec ses temps longs a remplacé l’acrylique, le noir et blanc a remplacé la couleur.

Et les petits formats ?
Ce choix-là est parti d’une mésaventure qui s’est avérée fondatrice. J’ai longtemps travaillé sur des grands formats. Avant les années 2000, j’occupais un atelier de 300 m2 dans le centre à De Brouckère en bas duquel je disposais encore d’une cave de 200 m2. L’endroit ayant pris de la valeur au fil des années, le propriétaire, qui avait acheté l’immeuble pour pas grand-chose et le faisait entretenir à moindres frais par les artistes qu’il hébergeait, a fini par mettre tout le monde dehors. Le moment a été douloureux. J’ai dû payer pour qu’on me débarrasse de mes réserves, j’ai perdu beaucoup d’œuvres faute d’un lieu adéquat pour les conserver. C’est alors que j’ai pris la décision de ne travailler que sur des petits formats.Il faut qu’à tout moment, l’atelier puisse être déménagé rapidement. C’est donc moins le résultat d’un choix esthétique que celui d’une contrainte réelle. Après, il se trouve que cela me convient. Actuellement je tente d’élaborer des tableaux encore plus petits...
« SI NOUS DISIONS VOIR AU LIEU DE RÊVER » : RENCONTRE AVEC E.D.M.
TEXTE : Catherine De Poortere